Intervention de Sylvain Joly, co-dirigeant de Recyclivre
Lors de notre séminaire d’été, nous avons eu le plaisir d’échanger avec Sylvain Joly, co-dirigeant de Recyclivre. Cette intervention s’inscrivait dans notre démarche d’écoute de la société et faisait écho à l’une de nos ambitions pour l’année 2025 : nous affirmer sur l’impact positif.
Après 10 années passées à la Fnac et un tour du monde déclencheur d’une prise de conscience environnementale, Sylvain rejoint Recyclivre en 2021 avec l’envie de s’investir dans une structure à impact. Fondée en 2008, Recyclivre est une SAS de l’économie sociale et solidaire qui emploie aujourd’hui 35 personnes en France et 5 en Espagne. Pendant cet échange, Sylvain nous a partagé leur modèle économique unique, leur fonctionnement innovant, ainsi que leur culture d’entreprise libérée.
UN MODÈLE ÉCONOMIQUE AU COEUR DE LEURS VALEURS
Le modèle économique de Recyclivre s’articule autour de trois piliers : économique, environnemental et social. Contrairement à de nombreuses entreprises sociales, Recyclivre se distingue par une indépendance totale vis-à-vis des subventions, ayant financé sa croissance et son accélération par les ventes.
- Le pilier économique
Recyclivre propose différentes solutions pour la collecte de livres : le don de livres (service de collecte gratuit à domicile), le rachat de livres, des partenariats avec des associations et également un partenariat avec la Fnac où les clients peuvent déposer leurs livres en magasin en échange de bons d’achat.
Les livres collectés – près de 4,5 millions à ce jour – sont ensuite vendus, lorsqu’ils ne sont pas trop abimés, sur leur site internet ou sur des marketplaces. Pour maximiser leur rentabilité et leur efficience, Recyclivre a développé un algorithme qui détermine la valeur d’un livre sur le marché de l’occasion, permettant ainsi de décider s’il doit être collecté, à quel prix il sera racheté et à quel prix il sera vendu.
- Le pilier environnemental
La réduction de l’impact environnemental est au cœur de l’activité de Recyclivre. En donnant une seconde vie aux livres, l’entreprise contribue à limiter leur empreinte carbone : la fabrication d’un livre représente en effet 60 % de son empreinte carbone et nécessite environ 200 litres d’eau.
Recyclivre agit également sur la fin de vie des livres : ceux trop abîmés pour être revendus sont recyclés en pâte à papier, utilisée pour d’autres usages.
Mais l’entreprise souhaite également limiter son propre impact. Elle privilégie les véhicules électriques et utilise des emballages éco-responsables, développés par l’entreprise Pocheco qui cherche notamment à produire en étant la plus indépendante possible en énergie et eau.
Enfin, 1 % de son chiffre d’affaires est reversé à des associations ou entreprises engagées dans la lutte contre le réchauffement climatique.
- Le pilier social
Recyclivre est également un acteur engagé de l’inclusion sociale. Ils ont noué des partenariats qui leur permettent d’employer des collaborateurs en situation de handicap dans leurs entrepôts. L’objectif est de lever les freins à l’embauche et de construire avec eux leur projet professionnel. C’est cette volonté d’impact social qui explique d’ailleurs pourquoi ils ne cherchent pas à automatiser davantage certaines tâches : ils souhaitent préserver l’emploi et l’intégration de leurs équipes. L’automatisation est uniquement envisagée pour réduire la pénibilité pour les employés.
UNE CULTURE D’ENTREPRISE LIBÉRÉE ET INNOVANTE
La culture d’entreprise est libérée, favorisée par le statut de SAS de Recyclivre. L’organisation repose non pas sur une hiérarchie managériale classique, mais sur des pilotes de cercle qui définissent une vision, forment les équipes et assurent la représentation externe. En revanche, ces pilotes de cercle ne sont plus les principaux décideurs, afin de responsabiliser encore davantage les équipes.
Les dirigeants, eux, sont là pour fixer des objectifs macro-économiques et un cadre général.
Tous les six mois, lors de séminaires, ils définissent la feuille de route, les grands objectifs et la vision globale pour le semestre à venir. À partir de ce cadre, les équipes élaborent leurs propres axes de travail et identifient dix résultats concrets par axe, sans que les dirigeants ne remettent en cause ces résultats. Chaque axe et chaque résultat sont portés par un référent dédié, renforçant ainsi l’autonomie collective. De plus, l’entreprise a fait le choix de ne pas fixer d’objectifs individuels, privilégiant une logique d’intelligence collective.
L’équilibre entre vie professionnelle et personnelle est également une priorité : les collaborateurs peuvent choisir leur propre organisation du travail (35 heures ou semaine de 4 jours par exemple), selon leur préférence ou contraintes.
Enfin, l’innovation est au cœur de leur culture et constitue un pilier fondamental de l’entreprise, reconnue d’ailleurs par le prix Les Echos de l’innovation en 2024. Cette distinction illustre leur culture du test & learn, qui valorise l’initiative, l’expérimentation et l’acceptation de l’erreur comme levier d’apprentissage.
LA PRIORISATION DE L’IMPACT : UN COMITÉ DÉDIÉ
Structurer les arbitrages entre impact économique, social et environnemental est un défi complexe, que Recyclivre a su relever de manière intuitive au début, grâce à son modèle innovant. Pour approfondir cette démarche, l’entreprise a mis en place il y a deux ans un Comité Impact. Ce comité a pour mission d’apporter un cadre de réflexion structuré, de conseiller les équipes et de favoriser une prise de décision éclairée en matière d’impact. Il a relancé une nouvelle dynamique aux réflexions internes.
Un exemple concret de cette logique de priorisation est le récent passage à une pochette d’emballage en papier, plus respectueuse de l’environnement. Bien qu’elle soit plus lourde, plus coûteuse à produire, et génère une éco-contribution plus élevée, le pilier environnemental a été jugé plus important à ce moment-là que le pilier économique.
Recyclivre incarne ainsi un modèle d’entreprise où la rentabilité soutient l’impact, et non l’inverse.
Recyclivre prouve qu’il est possible de concilier performance économique et engagements sociaux et environnementaux. Leur démarche est un excellent exemple de la façon dont une entreprise peut être à la fois un moteur de croissance et un acteur de changement positif.
Un grand merci à Sylvain Joly pour son intervention inspirante et enrichissante qui a conforté notre position sur l’impact positif comme l’une des priorités chez DEMAIN.