« Apocalypse Cognitive » – Gérald Bronner
« La question est de savoir si la concurrence favorise toujours le meilleur produit ou seulement le plus satisfaisant. »
Confrontez d’un côté une disponibilité mentale inégalée, avec 8 fois plus de temps de cerveau disponible qu’au début du XIXème siècle, et de l’autre un marché cognitif dérégulé qui met à disposition une somme inédite de savoirs et de représentations du monde. Que se passe-t-il ? Réponse de Gérald Bronner dans Apocalypse cognitive : “un cambriolage de notre disponibilité mentale par l’industrie du divertissement” avec une conséquence : “ce qui est pris ici n’est pas investi là”. Ce sociologue nous explique pourquoi la concurrence généralisée des récits n’est pas favorable à la rationalité et comment “les pièges attentionnels” nous enferment dans une tyrannie de la satisfaction immédiate.
- la cartographie du marché de l’information n’est pas rationnelle : 50% des vidéos disponibles sur YouTube sur le sujet du climat sont climatosceptiques alors que moins de 5% des études scientifiques le sont. La concurrence généralisée met chaque information, quelle qu’en soit la source et la véracité, au même niveau, sans la hiérarchiser.
- ce qui l’emporte en termes d’attention, et donc en termes de temps passé, c’est le meilleur produit cognitif, c’est-à-dire le plus efficace à répondre à nos attentes les plus intuitives. Celles-ci résultent de traits invariants du cerveau humain : attirance pour les représentations du monde intuitives, pour les informations égocentrées et confirmant nos biais, pour les émotions fortes etc. Les GAFAN le savent bien et utilisent délibérément ces boucles addictives.
- ce qui prévaut sur le marché de l’information prévaut également sur le terrain politique et économique : la réponse à la satisfaction immédiate est toujours beaucoup plus simple et efficace que la projection sur une logique de long terme, qui suppose de différer ses gains.
- l’être humain a les ressources cognitives pour prendre du recul et différer ses plaisirs, ce qui est essentiel pour répondre aux enjeux du monde actuel, notamment les enjeux climatiques. Mais cela suppose : 1. qu’iel soit éduqué·e pour développer son esprit critique 2. que le marché soit régulé de manière non liberticide pour mettre de l’ordre dans l’apparition de l’information. Le rôle des médias historiques dans cette dynamique sera clé.
Pour tout comprendre des mécanismes qui vous poussent à regarder une vidéo de chat plutôt que la dernière conférence de Gérald Bronner, c’est par ici.