Nos coups de cœur du Festival de Cannes
Alors que le Festival de Cannes a fermé ses portes il y a quelques jours, nous vous proposons pour cette nouvelle pause culturelle, de s’intéresser à 3 films coups de cœur de cette 77ème édition. L’un de nos consultants a eu la chance de voir en avant-première ces films qui explorent notre société à différents niveaux (économique, politique ou social) et sous différents angles (quotidien vs plusieurs années), leur sortie en salle est à ne pas manquer !
L’HISTOIRE DE SOULEYMANE, BORIS LOJKINE
Une plongée ultra réaliste dans le quotidien d’un livreur de repas à vélo, sans papier, qui sillonne les rues de Paris, évitant les bus et voitures tant que possible. Entre restaurateurs désagréables et clients peu compréhensifs, le réalisateur en profite pour questionner l’ubérisation de la société, tout en gardant l’obtention des papiers comme fil conducteur. On y découvre l’envers du décor et les pérégrinations de Souleymane, demandeur d’asile guinéen baladé par des escrocs qui lui proposent leur aide contre de l’argent…
Une histoire d’autant plus bouleversante qu’elle est très proche de celle de son acteur principal, Abou Sangaré, arrivé en France après un long périple, dans l’espoir de trouver de l’argent pour sa mère malade, restée au pays. Dans la vraie vie, Abou Sangaré est installé depuis six ans à Amiens comme mécanicien, et à tout juste 23 ans, sa deuxième demande de régularisation a été récemment rejetée, le plaçant dans une situation de plus en plus incertaine.
Le film doublement récompensé du Prix du Jury et du Meilleur Acteur dans la sélection Un Certain Regard, sortira le 27 novembre 2024.
THE APPRENTICE, ALI ABBASI
Après avoir été récompensé à Cannes en 2018 (Border) et 2022 (Les Nuits du Mashhad), Ali Abbassi était de retour sur la Croisette avec une œuvre politique et polémique qui s’intéresse aux débuts de l’ex, et peut-être prochain, locataire de la Maison-Blanche : Donald Trump. Un film politique réussi, illustrant sa relation avec l’insolent Roy Cohn, qui a pris le futur président sous son aile, avant que l’élève dépasse le maître, dans l’univers sans pitié du business américain.
De ses débuts timides à la toute-puissance new-yorkaise, le réalisateur dresse un portrait peu flatteur de l’homme d’affaires dans les années 1970-80. Corruption, chantage, cynisme, tout y est pour dépeindre avec ironie le magnat de l’immobilier, qui évolue physiquement (prise de poids, perte de cheveux…) et mentalement (confiance en soi, arrogance…) au fil de l’œuvre. En se retournant sur le passé, The Apprentice questionne notre présent : comment un tel homme a-t-il pu prendre autant de place dans notre société, et souhaitons-nous que cela se reproduise ?
A six mois de l’élection présidentielle aux Etats-Unis, le film fait trembler Donald Trump, alors en pleine campagne pour briguer un second mandat. Au lendemain de sa projection cannoise, son porte-parole a annoncé vouloir intenter une action en justice. La sortie du film reste encore indéterminée, mais nul doute qu’il sera projeté avant les élections prévues début novembre 2024.
LA PAMPA, ANTOINE CHEVROLLIER
Unique film français sélectionné par La Semaine de la Critique, le premier long-métrage d’Antoine Chevrollier, tourné dans son village natal, est avant tout une histoire d’amitié inébranlable, même lorsqu’un secret est découvert et fait tout basculer. Dans un décor rural et autour de la poussiéreuse Pampa, un terrain de moto-cross où règnent une masculinité toxique et une virilité exacerbée, ce film puissant aborde sans tabou les relations familiales difficiles, le cyber-harcèlement et l’insularité des modes de pensée.
Le réalisateur angevin, principalement connu pour des séries (Le bureau des légendes, Baron noir) s’est entouré d’un casting qu’il connaît bien comme le jeune Sayyid El Alami déjà présent dans Oussekine, mais aussi Artus, qui a perdu 35kg pour son rôle. Un drame bercé de lumière qui s’intéresse à la violence du collectif face à la singularité d’un individu, et dont la sortie est prévue d’ici la fin de l’année.
Ces 3 films issus de 3 sélections complémentaires du Festival de Cannes (Compétition officielle, Un Certain Regard, Semaine de la Critique) apportent chacun à leur manière un regard puissant sur notre époque. A la liste de ces trois incontournables s’ajoute évidemment la Palme d’or de cette année : Anora, un film explosif réalisé par Sean Baker, qui revisite de manière déjantée “l’histoire de Cendrillon dans les États-Unis d’aujourd’hui“.